La construction des routes a peu amélioré les conditions de vie des populations rurales dans le tiers monde. En partie parce que, en raison de l’absence d’entretien, les routes n’ont pas duré assez longtemps pour changer les habitudes, mais surtout elles n’ont pas amélioré l’accessibilité des leurs destinations prioritaires. La mobilité de la population est restée inchangée, soit par manque de moyens d’en profiter, soit parce que les services de transport ne se sont pas améliorés. On constate souvent que les routes étaient mal situées.
Dans les années 80, il est devenu évident qu’il faudra situer la planification routière à l’intérieur d’un cadre beaucoup plus large, centré sur l’accessibilité. On y tient compte de la distribution spatiale des ménages, de leurs destinations habituelles et des facteurs qui empêchaient l’accès ou créaient des pertes de temps. Même si les démunis n’attachent pas une grande valeur monétaire à leur temps, il reste que, s’il est rempli d’activités improductives, ils ont peu d’espoir d’améliorer leur sort. L’enclavement et la pauvreté sont étroitement liés.
La planification centrée sur l’accessibilité (en anglais: Integrated Rural Accessibility Planning tente de saisir, à partir d’enquêtes sur le terrain, la nature particulière de l’enclavement des populations et ainsi de proposer une hiérarchie d’interventions. L’amélioration sélective du réseau routier n’est certes pas à exclure. On tiendra compte, toutefois, du réseau extensif de pistes et de sentiers, emprunté par piétons et bicyclettes, de la contribution potentielle des moyens de transport non motorisés, et des améliorations des services de transports existants et, très important, de la relocalisation des services ou de l’investissement en nouvelles infrastructures. On privilégie les interventions à partir d’indices déterminés de préférence au niveau national afin d’assurer un partage équitable parmi les régions.
Malgré ses avantages évidents, cette approche, qui exige une collaboration étroite des intervenants en infrastructure rurale, n’a pas encore eu l’impact escompté sur la programmation des investissements en infrastructure rurale. Tout comme les autres secteurs, tels que la santé, l’eau et l’éducation, la planification des routes est fragmentée. La communication interministérielle existe, bien sûr, mais pas au point de céder le contrôle des allocations budgétaires à un niveau de décision supérieur.
Le coût économique et social de cette fragmentation est très grand. L’entretien et la construction des routes sont coûteux et l’impact de celles-ci sur la mobilité et ensuite sur la pauvreté rurale a été faible. De plus, ce sont les communautés locales que doivent de plus en plus assumer les coûts, puisqu’on recherche leur plus grande participation dans la planification et le financement du réseau routier.
Il existe donc un écart entre ces principes et la planification actuelle du réseau routier. Pour élargir la gamme de solutions, on peut formuler des politiques globales de développement sectoriel qui incorporent les notions de l’accessibilité au niveau national. Au niveau local, où les secteurs sont moins cloisonnés, on peut centraliser la programmation du réseau routier sur la recherche d’une plus grande accessibilité.
Entre temps, les ingénieurs et les planificateurs devront élargir leurs horizons autant que possible. Au lieu de s’éparpiller dans la recherche de méthodes de sélection routière de plus en plus pointues et de se perdre dans la spéculation sur les bénéfices éventuels, ils devront réfléchir, avec la population concernée, sur la raison d’être de la route et sa contribution réelle à la mobilité. Ils devront également se pencher sur la capacité des gens les plus nécessiteux de profiter des routes et sur la marche à suivre le cas échéant. Enfin, ils devront examiner si ils existent des moyens moins coûteux pour rapprocher la population aux services.