Histoire de la gestion routière**

Il y a 400 ans, l’Angleterre ébauchait une structure législative pour l’entretien du réseau routier. Auparavant, l’entretien, surtout les ponts, était la responsabilité des ordres religieux, mais leur suppression pendant la réformation a créé un vide. Cette législation, s’appuyant sur la participation obligatoire et assortie de pénalités imaginatives, était notoirement inadéquate. On a tenté ensuite pendant 200 ans de la peaufiner, mais comme on abolissait rarement les clauses désuètes, l’accumulation constante des directives la rendait de plus en plus, non seulement inapplicable, mais incompréhensible.

La législation était centrée sur la responsabilité locale. Le responsable de la gestion (poste non-rémunéré et très impopulaire) était remplacé annuellement, sans doute à son grand soulagement. Il était tributaire des contributions locales en main d’œuvre et en matériaux, rarement fournies, les résidents ne voyant pas pourquoi venir en aide aux utilisateurs des routes, qui venaient d’ailleurs. Par la suite, on a tenté de rendre son poste plus professionnel et plus motivant. On a aussi transformé les contributions en une taxe obligatoire sur la propriété.

Cependant, jusqu’au milieu du dix-huitième siècle, les connaissances en matières de construction ou d’entretien routier étaient à peu près nulles. On tentait de gérer la demande par le truchement de règlements sur le poids, la taille, le nombre de chevaux et la conception des véhicules. Les opérateurs, à leur tour, contournaient ingénieusement ces règlements. Ainsi, face à la législation qui imposait l’emploi de roues très larges pour répartir la charge sur une plus grande superficie, on leur donnait une forme convexe, afin de réduire la résistance au roulement.

Comme on l’a déjà dit, un conflit permanent existait entre les utilisateurs des routes et les responsables de l’entretien. Une vague sans précédent de privatisation du réseau au dix-huitième siècle l’a résolu. On a ainsi créé une multitude de fiducies, qui fournissaient le capital nécessaire à la construction et ensuite, imposaient des péages pour récupérer les mises de fonds et financer l’entretien. Il en résultait une grande amélioration des conditions de transport sur certaines routes. À l’aube du dix-neuvième siècle, la majorité des villes anglaises se trouvaient à un jour de voyage (quoique long et épuisant) de Londres. Toutefois, les tarifs de transport étaient très élevés du en partie aux énormes pots-de-vin nécessaire pour obtenir une concession jusqu’au détournement de fonds par les directeurs et les péagistes. La corruption était généralisée et l’entretien en souffrait.

Après l’installation du monopole du chemin de fer sur les voyages interurbains, vers 1830, la structure privée s’est écroulée. Les tentatives d’introduction de véhicules routiers autopropulsés ayant échoué pour des raisons politiques, le réseau routier se détériorait paisiblement jusqu’à ce que, vers 1880, sa paix bucolique soit irréversiblement détruite par la bicyclette. Les cyclistes, issus massivement de la bourgeoise urbaine, possédaient la force politique nécessaire pour forcer la construction de routes lisses, ni boueuses, ni poussiéreuses. Vers 1914, les systèmes de gestion et de cofinancement national et local de l’entretien étaient en place, prêts faire face à l’assaut définitif de l’automobile.